Benjamin Locoge - Paris Match
b>Douze heures. Le concert de la veille s’est bien passé. « A Londres, 15 000 personnes, 12 000 à Manchester, c’est du jamais-vu, s’extasie Jean Michel Jarre grimpant dans son bus. Connaissez-vous d’autres musiciens de chez nous qui attirent autant de monde ? » Mi-ironique, mi-déçu, le pape de l’électronique française est sur les routes depuis un mois pour présenter son « World Tour », soit 150 concerts autour du globe, qui passera par tous les continents. Ces quelques dates européennes lui servent de rodage.
13 heures. Le bus s’ébranle en direction de Birmingham. Jarre prépare son thé. Ce n’est pas un matinal, il a ouvert l’œil seulement deux heures plus tôt. Avec ses trois musiciens, ils refont le film de la veille. « Dominique s’est complètement laissé aller. Je ne savais plus où j’en étais. » Pierre Garnier, son homme de confiance, lui fait part de quelques remarques. « Quand tu as évoqué la mémoire de ton père, toute la salle s’est tue. C’était très émouvant. » Maurice Jarre, avec qui Jean Michel a longtemps été fâché, est décédé en mars dernier pendant les répétitions. « Cela a complètement chamboulé mon emploi du temps et mon cerveau. Je ne m’y attendais pas vraiment, même si je savais qu’il ne serait pas éternel. Heureusement, nous étions réconciliés, grâce à ma femme. »
15 heures. Dans sa chambre, au premier étage du bus, noyée de rose et de rouge, Jarre s’isole pour travailler à son prochain album. « Je ne sais pas encore sous quelle forme cela sortira. Le CD a fait son temps, mais est-ce que je me contenterai d’Internet pour autant ? Je réfléchis. » Son Korg PA 500 ne le quitte jamais, « c’est l’instrument avec lequel je compose le plus. Depuis toujours ».
17 heures. Le convoi arrive enfin à la salle où aura lieu le concert du soir. Pas le temps de passer à l’hôtel, il faut déjà se lancer dans les balances. « A Manchester, nous n’avons pu faire que vingt minutes de réglages. Cela accentue le stress. » Du coup, les musiciens prennent une bonne heure pour peaufiner les enchaînements ou les jeux de lumière. « J’ai envie de faire évoluer ce spectacle. Pour l’heure, je tâtonne encore. J’aimerais pouvoir interpréter des morceaux différents tous les soirs. C’est l’enjeu que je me suis fixé pour la tournée française. »
18 h 30. Dans sa loge, sobrement décorée, Jarre évoque ses projets. « J’ai envie que les concerts français soient complètement exceptionnels. Je n’ai pas fait ce genre de shows depuis des années en France. Alors que je suis reconnu dans le monde entier, j’ai un sentiment de manque avec mon propre pays. Je souhaite que tous ceux qui ont aimé la Concorde ou la Défense soient de nouveau éblouis. » Après un bref repas avec l’équipe, Jarre s’enferme un quart d’heure, le temps de se changer. « Je n’ai pas besoin d’une concentration maximale. Parfois, quand je monte sur scène, c’est comme si je grimpais sur un ring de boxe. J’ai encore des choses à prouver ! » dit-il en se servant une rasade de saké.
20 h 03. La salle remplie aux trois quarts est plongée dans le noir. Aussitôt un triangle de laser se dessine sur la scène, duquel sort Jarre. La foule frissonne...
22 h 10. Après avoir revisité tous ses classiques, et ressorti sa harpe laser du placard, Jarre revient pour interpréter « Oxygène IV », le titre qui l’a rendu célèbre en 1976. Sautillant derrière ses claviers, il sourit comme un gamin. Qu’il ne cessera jamais d’être.
Source: parismatch
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