15/06/2012

Le 21 octobre 1971 est certainement pour Jean Michel Jarre un jour qui fait date dans sa carrière puisqu’il marque ses véritables débuts.

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Ce soir-là, la musique dite « électronique », qui en est encore à ses balbutiements, entre à l’Opéra de Paris, l’antre de la musique symphonique, là où traditionnellement les compositeurs terminent leur carrière.

Sous l’impulsion de Norbert Schmucki, ex-danseur devenu chorégraphe en 1967, le ballet AOR crée la sensation pour la réouverture du Palais Garnier au public, suite à des travaux, pour le retour du corps de ballet et l’inauguration du plafond peint par Chagall.

Pour ce ballet, Bernard Lefort, directeur de l’Opéra, qui souhaitait rajeunir le répertoire classique quelque peu essoufflé, donne sa chance à Norbert Schmucki. Celui-ci fait alors appel à deux jeunes compositeurs quasi-inconnus. Ce spectacle essayait de mélanger une musique traditionnelle d’Igor Wakhévitch (fils de Georges Wakhévitch, célèbre décorateur de l’Opéra de Paris) qui connaissait Jean Michel Jarre pour avoir travaillé à ses côtés au G.R.M. de Pierre Schaeffer, et une musique électronique du fils de Maurice Jarre, compositeur de musiques de films. A l’époque, on parlait d’œuvre mixte pour orchestre symphonique (dirigé par Boris de Vinogradov), percussions solo (Sylvio Gualda) et bande magnétique.


Les réactions vis-à-vis de la musique ont été partagées : d’emblée, musiques classique et électronique ont été dissociées. Celle d’Igor Wakhévitch a été qualifiée de « solide, intelligente, sensible, sérieuse mais difficilement jugeable car nouvelle. »

Celle de Jean Michel Jarre a été appréciée différemment. Elle fût à la fois durement critiquée et bien accueillie. Sifflements, vibrations, crépitements, grincements, vrombissements et des «stridences électroniques pourtant bien peu révolutionnaires » d’un côté, « une musique conférant à l’œuvre un aspect mystique tandis que la partie orchestrale l’humanise » d’un autre côté. D’un avis général, Jean Michel Jarre aurait tout de même été « plus convenu et plus percutant. »

Ce ballet a donc fait du « bruit » dans tous les sens du terme ; pour et contre, huées et acclamations, et pas seulement du fait de la présence d’instruments électroniques mais aussi parce que le thème de la danse des sept voiles de Salomé était revu et corrigé.

Cette œuvre s’est transformée en danse des sept visages de la séduction et de la tentation. Sept tableaux symbolisés par chacune des sept couleurs de l’arc-en-ciel, d’où le titre « AOR » qui veut dire « lumière » en hébreu. Et la lumière fut. Au début des années 70, la mode était aux titres latins, grecs ou hébreux...







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Ainsi, entre la Marche des Troyens d’Hector Berlioz et le Boléro de Ravel, la musique électronique a supplanté la musique symphonique, jouée avec peu d’enthousiasme dans la fosse dès le début de la soirée, à tel point que les musiciens, vexés, ouvraient des canettes de bière en pleine représentation d’AOR pour la saboter.

Pour continuer dans les anecdotes, il était demandé à Jean Michel Jarre de repeindre la sono qu’il avait installée dans les lustres pour une meilleure acoustique : la couleur d’origine n’était pas vraiment assorti à la salle Garnier, Jean-Michel l’a donc caché sous une couche de peinture dorée.

Cet essai de superposition ne fut pas décevant, loin de là, mais traditionnellement, les « habitués de l’Opéra » contestent toute création artistique, qu’elle soit de danse ou de musique. Le vrai public, éclectique, selon les propres mots de Jean Michel Jarre, a réagi avec enthousiasme à la beauté du spectacle. Cela avait été le cas pour Notre Dame de Paris de Roland Petit en 1965 et c’est aujourd’hui un classique du répertoire. Coïncidence, la musique était signée Maurice Jarre, qui avait déjà reçu quelques récompenses à Hollywood ! Y avait-il une cabale contre la musique électronique, contre Jean Michel Jarre, ou la « tribu Jarrienne » ? Non, bien sûr ! Chacun sait que la nouveauté dérange ! De plus, pour que la représentation puisse avoir lieu, Jacques Duhamel, le Ministre des Affaires Culturelles de l’époque, a intercédé en faveur de Jean Michel Jarre pour retarder de quelques jours son incorporation sous les drapeaux. D’une certaine manière, c’est un peu grâce à cet homme que Jean-Michel a fait carrière...

Est-ce qu’un nom ne donne pas plus d’avantages que d’inconvénients ? Dans ce cas, c’est discutable car tout autre compositeur dans la même situation en aurait sans doute bénéficié. Et pour ce qui concerne le talent, cela semble encore plus flou. Chateaubriand disait : « On transmet son sang, on ne transmet pas son génie. »

Ainsi, la première expérience de Jean Michel Jarre avec un public est un succès mitigé qui n’empêche pas AOR, qui a été représenté une quinzaine de fois, de compter comme pièce essentielle du répertoire, dans la carrière naissante de Jean Michel Jarre. C’est de là que tout est parti ! Jean Michel Jarre prenant conscience du public fera quelques essais avant Oxygène et notamment deux autres ballets : Le Labyrinthe de Joseph Lazzini et Dorian du même Norbert Schmucki. Ce dernier, enregistré à l’Opéra de Paris le 18 décembre 1973, passera sur TF1 le 1er novembre 1975 dans un spécial « Etoile de l’Opéra de Paris » consacré au célèbre danseur « Mickaël Denard ».

Par la suite, Jean Michel Jarre se lancera dans la carrière que l’on sait...

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Olivier Saincourt 

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(extrait d'Oxygène n° 3, octobre 1998)

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