15/03/2012

Jean Michel Jarre l’homme-orchestre du show business



En 1976, Jean-Michel Jarre découvre le synthétiseur et compose une musique qu’il fait écouter aux directeurs artistiques des principales maisons de disques. Tous refusent de produire Oxygène sous le prétexte que I’album n’entre dans aucun schéma habituel et que les radios refuseraient de programmer un thème de quarante minutes. Un seul auditeur est intéressé. II ne dirige pas une grosse entreprise mais une petite société, Dreyfus Musique -, qui a pour avantage de disposer d’un bon réseau de distribution. Dreyfus Musique – accepte d’éditer Oxygène. Jean-Michel Jarre ne pardonnera jamais leur refus aux patrons des multinationales. Bien décidé à réussir, il prend tout en main: il choisit la photo qui illustrera la pochette de son disque, rédige les textes publicitaires, assure a lui seul la promotion. II fait le tour de la France, sillonne l’Europe, n’hésite pas à se rendre dans les plus petites villes du Middle West, aux Etats-Unis. Jamais lancement n’a été aussi efficace : Jean-Michel , Jarre bat to us les records de vente. Oxygène, puis Equinoxe, ses deux albums, se sont vendus, chacun, à plus de six millions d’exemplaires. II espère dépasser ces chiffres avec Champs magnétiques, sa troisième production, pour laquelle il applique les méthodes qui ont fait le succès d’Oxygène et d’Equinoxe. La semaine dernière, Champs magnétiques est sorti simultanément dans trente-cinq pays. En même temps que son disque, Jean-Michel Jarre lance une vaste campagne publicitaire : des affiches sont placardées sur tous les murs de Paris, de BruxeIles, de Londres, de Rome; II accorde des interviews dans le monde entier . Cette semaine, Jean-Michel Jarre est à Londres. Début juillet il se rendra en Amérique, début août on le retrouvera en Chine. Pour le moment, c’est en Angleterre qu’il déploie son énergie. Le suivre dans son périple londonien tient du marathon. A 10 h, il court à la station de métro Oxford -, histoire de vérifier si les photos ont bien été affichées dans les couloirs, comme I’avait promis sa maison de distribution. A 11 h, Il reçoit un journaliste de Sun. A midi, il fait une télé, à 16 h, il enregistre une émission: London tonight, dans les studios de Capital 194 -. Demain, il fera la tournée des disquaires pour s’assurer de la bonne mise en place de ses disques. Je suis sans doute le seul musicien à m’occuper de la production, de A à z, du début à la fin, explique Jean-Michel Jarre.

 En France, un compositeur qui fait la promotion de ses disques est considéré comme suspect. En fait, c’est la clé du succès. Je I’ai compris en produisant, en 1974, les disques de Christophe et de Patrick Juvet. Les albums avaient bien marché parce que je m’étais occupé de tout. Je m’étais juré d’appliquer ces méthodes à moi-même. Si tout le show business raisonnait ainsi, il ne serait pas en crise. Pour Jean-Michel Jarre, en effet, le show business se porte très mal. Quand je vais à I’étranger, explique le musicien, je pars en croisade. Je me bats naturellement pour ma propre carrière mais aussi – et surtout – pour faire sortir la musique de son ghetto, et des frontières nationales. Les variétés, en France, sont complètement sclérosées. D’abord, nous sommes colonisés par les Américains. A force d’imiter Elton John ou Stevie Wonder, les compositeurs ne produisent plus que de pâles copies. Plus personne n’innove. Les médias sont grandement responsables. II cite cet exemple : Début octobre, je donne deux concerts, I’un sur la place du Peuple, à Pékin, I’autre à Shanghai. Les Chinois m’ont invité parce que mes disques passent régulièrement à la radio. Je suis le seul musicien occidental à bénéficier de cette faveur. Elton John lui-même n’a pas reçu I’autorisation de se produire en Chine. C’est dire I’importance de mon show. Jean-Michel Jarre pensait qu’à cette nouvelle les directeurs des chaînes de télévision réagiraient. Aucun d’eux ne s’est manifesté. C’est aussi cette indifférence qui provoque sa colère. Ils ne sortent jamais, dit-il, sinon dans les couloirs. A se demander s’ils connaissent mon existence. En revanche, le directeur d’ITC, la station de télévision la plus importante d’Angleterre, s’est déplacé : iI est venu plusieurs fois chez mol, A Bougival, me proposer sa collaboration. Conclusion: mes concerts seront produits et diffusés en Angleterre, et non en France.

                                                                         
La crise, poursuit Jean-Michel Jarre, est la même dans les radios. Depuis dix ans, on ronronne. Pas lui. Avec son sourire angélique, ses cheveux bruns, ses yeux noirs, Jean-Michel Jarre ressemble à un jeune poète romantique. Il a, en fait, une volonté de fer et des projets de plus en plus ambitieux. Apres la Chine, II vise l’Amérique. Il prépare déjà sa campagne. Mais là, iI aura un concurrent – sérieux : son père; Maurice Jarre, installé depuis vingt ans à Los Angeles et aussi célèbre là-bas que la statue de la Liberté. Maurice Jarre a en effet composé entre autres succès – la musique du film Le Docteur Jivago : La Chanson de Lara -. Une création qui continue à lui rapporter tous les mots des milliers de dollars.


Michèle Stouvenot


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