19/03/2012

Jean-Michel Jarre, vedette du hit-parade chinois

Jean-Michel Jarre lance ce mois-ci son nouvel album, « Chants magnétiques » (premier tirage : un million et -demi d’exemplaires sur trente pays…) II se confie à Richard Artz, parlant de son travail, — de son projet de concerts en Chine, et aussi de politique.
Jean-Michel Jarre :  » Oxygène  » et  » Equinoxe  » « étaient d’inspiration a »rienne et abstraite. « Chants magnétiques » – est beaucoup plus terrestre ou terrien. Avec  » Chants magnétiques  » j’ai voulu créer des paysages sonores. La musique doit contenir ses propres images, Le succès du walkman c’est cela : des gens qui veulent trouver la musique du film qu’ils ont dans la tête. Les gens aujourd’hui ont besoin de ce que Eric Satie appelait la  » Musique d’ameublement « .
Q. – Pour cela, vous utilisez ce mystérieux synthétiseur ?
R. – Vous savez, I’électronique ne change rien à la palette d’émotions qui est la même pour chaque artiste. Simplement, le synthétiseur est le premier instrument dans I’Histoire de la musique qui permette d’abord de fabriquer les sons, et ensuite avec ces sons, de fabriquer des harmonies et de travailler, de transformer la matière sonore elle-même.
Q. – Actuellemeat, vous vous occupez personnellement du lancement de  » Chants magnétiques ».
R. Mais bien sûr ! On a en France une pudeur anormale sur les rapports de la rentabilité et de l’art. On trouve cela suspect. Pourtant, personne ne mettrait en doute l’authenticité d’un film de Woody AlIen ou de Stanley Kubrick sous prétexte que ces réalisateurs s’occupent du marketing et des afficbes de leurs films. De nos jours, ça fait partie du métier d’un artiste d’être Conscient de ce genre de chose ; je dirai même que ça relève de ses responsabilités.
Q . Bon. Mais alors, comment faites-vous ?
C’est une affaire de planning. La sortie de « Chants magnétiques » est répartie sur un mois à travers les différents pays. Je passe ces jours-ci, deux jours en Angleterre, puis en Italie, puis en Alemagne, pour donner des interviewes. En même temps, il y a la campagne de publicité. A Paris, il y a des affiches sur des camions mobiles. A Londres, c’est dans ies couloirs du métro, En Espagne, c’est surtout de la pub à la radio. Ailleurs, la video me permet d’être présent sur Ies écrans de télé.
Q. – Gagner autant d’argent dans la France sociallste, vous ne craignez pas que ce soit mal vu ?
R. – Les artistes qui sont connus à l’étranger rapportent des devises. A partir du moment où ils restent dans leur pays tout le monde peut s’en féIiciter. De toute façon, la situation financière des artistes est très particuIiere. On peut gagner beaucoup d’argent à un moment de sa vie. Puis plus rien pendant dix ans. Pour moi, chaque disque m’amène à me remettre en cause non seulement sur le plan artistique mais financièrement aussi. Ce qui est sûr, c’est que le succès que j’ai pu avoir m’a permis de financer mon propre studio pour pouvoir faire mes propres recherches musicales.
Q. – Ce n’est pas le cas pour d’autres musiciens.
R. – En effet, les crédits de recherche musicale de l’Etat sont réservs à des organismes officiels. Où peut travailler et enregistrer un musicien toulousain ou bordelais, qui vient faire de Ia musique éIectronique. Il n’a pas, de budget, pas de studio dans ces régions. Même chose dans I’enseignement : le synthétiseur n’est pas entré au conservatoire. Or, si la musique que je fais remporte un certain succès en France, c’est que le public français s’y intéresse, L ‘initiation au synthétiseur pourrait exister dès l’école comme en Allemagne ou en Suède.
Q. – 0ù en est votre grand projet de concerts eu Chine ?
R. – Ca se présente bien. J’ai reçu I’invitation officielle du gouvernement chinois. Mes concerts auront lieu vraisemblablement dans la deuxième quinzaine d’octobre, à Pékin et à Sanghai, probablement dans les jardins de l’Université. Quant à mes disques, ils continuent à passer régulièrement sur Radio-Pékin ou je suis programmé chaque semaine. Ce qui fait sans doute beaucoup d’auditeurs puisque environ 5OO millions de Chinois écoutent la Radio centrale. D’ailleurs, un aspect très intéressant du projet de spectacle que je prépare, c’est que je vais jouer avec des musiciens traditionnels chinois ; il y aura donc rencontre entre les instruments, les plus vieux du monde et les instruments les plus modernes. J’attends cela avec beaucoup d’impatience.
Q. – Je sail que Iors de vore dernier voyage à Pékin en février dernier, vous vous êtes trouvé placé à I’aller et au retour, dans I’avion juste derrière François Mitterrand. Seizeheures à I’aller, autant au retour, ça permet de falre connaissance ?
R. – Mitterrarnd est très loin de l’image qu’on peut avoir du leader politique à travers les médias et la presse. C’est en réalité quelqu’un de très humain. J’ai été frappé par cette sensibilité à fleur de peau, qui est presque une sensibilité d’artiste. Et puis l’un de ses traits principaux il me semble! c’est l’ecclectisme. Même s’il est axé sur sa trajectoire politique d’une façon extrêmement précise, il a l’air d’avoir des tas de centres d’intérêts autres que la politique. Et je pense que c’est une des raisons du charme du personnage. Nous avons, Charlotte et moi, conservé un tres bon souvenir de ce voyage. Gaston Defferre nous a mitrailés avec son appareil photo entièrement automatique, en nous disant que, le plus souvent, les photos qu’il prend sont floues, mais, enfin, si celles-ci étaient bonnes, il nous les enverrait. Jusqu’à preuve du contraire, j’ai l’impression qu’elles étaient floues puisque nous n’avons rien reçu.
Q. – Vous êtes un homme de gauche ?
R. – Je suis pour les idées qui sont traditionnellement de gauche en France.
Richard Arzt

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