15/03/2012

L’automne à Pékin de Jean-Michel Jarre

Il a donné une oreille électronique à tout le monde, il a fait entrer de nouveaux sons dans les caddies, sans que, pour autant, ses disques soient des rondelles sous cellophane. Ces albums sont de vrais petits travaux d’écriture musicale et c’est réconfortant comme un livre qui se vend bien. Il a un certain charme à la B.H L., relevant souvent la mèche noire de ses cheveux lisses. Ce jour-Ià, iI avait une veste rouge et un pantalon noir. Il parlait avec ses mains fines. Ce jour-là, il était tout content de jouer à Pékin cet automne. L ‘automne à Pékin de Jean-Michel Jarre.
 NOUVELLES LlTTERAIRES.


Alors, comme ça vous partez en Chine ?
JEAN-MICHEL JARRE. – Je m’y rends aux alentours du 15 octobre, suite à une invitation du gouvernement chinois. Je ferai deux concerts à Pékin et deux concerts à Shangaï.
N.L – Mais, ils connaissent votre musiqu., 1à-bas. ?
J.-M.J. – Mes disques ont commencé à circuler par le biais de l’ambassade de Grande-Bretagne, je ne sais pas trop comment. Ils sont ensuite arrivé jusqu’à la radio-télévision chinoise. Voilà
N.L – Cela vous surprend-il, que les Chinois aiment votre musique ?
J.-M.J. – Pas vraiment. Les instruments électroniques ont une correspondance, au niveau des timbres, avec les instruments chinois. Certains timbres chinois sont assez proches de ceux du synthétiseur.
NL Ces concerts que vous allez donner, c’est une « petite révolution » ?
JMJ Il y a quelques temps c’était encore inimaginable. Notez que la culture de ce pays m’a toujours intéressé. C’est formidable pour moi. J’y suis déjà allé une première fois il y a un an et demi, pour une prise de contact. Ca c’est très bien passé. J’ai même fait don d’une de mes instruments au conservatoire de Pékin, que j’avais trouvé fort démuni. C’étaient encore les retoumbées de la révolution culturelle, au cours de laquelle tous les instruments traditionnels avaient été brûlés. A l’époque de ce premier voyage, qui n’est pas si vieux, j’avais même appris qu’il n’y avait plus que deux pianos dans tout Pékin. Au cours d’un second voyage j’ai commencé à donner quelques conférences et des sortes de petits concerts improvises aux conservatoires de Pékin et de Shanghaï et dans les salles de la radio-télévision. L’accueil a été formidable. Ce sont des gens absolument extraordinaires.
NL Pensez-vous que les Chinois perçoivent votre musique avec les mêmes oreilles que nous ?
JMJ On a plein d’a priori à leur égard, alors que ce sont des gens très proches de nous. Ils ont un tempérament très latin, un côté système D. Ils sont mêm très individualistes. Pour faire un parallèle, je dirai que les Japonais sont aussi proches des Allemands, par leur rigueur et leur manque d’humour, que les Chinois sont proches des Français, et même des Italiens. Pour moi, Shangai, c’est Naples…
N.L. – Les Chinoi. dérita comme d’ individualistes, c’est pour le moins inattendu.
J.-M.J. – Les Chinois ne sont pas tous pareils, contrairement à ce que I’on croit ici. Ils sont tous habillés de la même façon et, pourtant, aucun ne ressemble à l’autre. Il ne faut pas parler de masse, mais de somme d’individus.
N.L- Vous en parlez Vraiment avec Passiion !
J.-M.J. – Je pourrai vous en parler des heures…
N.L – Parlons tout de même de votre dernier aIbum Chants-Magnétiques. C’est un aIbum beaucoup plus gai, moins froid que les deux précédents, Oxygène et EquinoXe ?
J.-M.J. – Je n’ai voulu en aucun cas que ce soit une trilogie. Chants magnétiques ne ressemble ni à Equinoxe ni à Oxygène. J’ai voulu montrer qu’avec des instruments électroniques, on ne fait pas que des choses robotisées. Ce nouveau disque est moins abstrait, plus direct. J’ai voulu approcher les instruments électroniques exactement comme des instruments traditionnels, des instruments acoustiques. La sensibilité n’est pas affaire d’instruments, elle dépend de ceux qui s’en servent…
N.L- D’où cette « rumba « inattendu à la fin de l’album. Vou. réconciliez l’ancien et Ie moderne…
J.M.J. – J’ai essayé, dans cet album, de recréer des paysages sonores que I’on a dans la tête et qui appartiennent à notre culture. Aujourd’hui, on veut être original à tout prix. Or, ce que les musiciens ont exprié il y a dix mille ans, c’est à peu près la même chose que ce que I’on cherche à exprimer de nos jours. La notion de progrès est une escroquerie, une aberration, une erreur. La seule différence avec les artistes d’il y a dix mille ans, c’est que le contexte de la société a changé, tout comme les instruments, c’est tout. Sur le plan du fond, l’artiste ne changera jamais de palette d’émotions, la palette des rapports humains. Il jouera toujours autour de ça. On fait etemellement la même musique. On n’invente rien, on réécrit.
N.L – Vous réconcillez aussi « recherche musicale » et « musique de prisunic ». Ca choque certain….
J.-M.J. – C’est quoi, la recherche ? Je suis passé, après le Conservatoire, par le Groupe de Recherche musicale . J’ai bien connu ces gens qui mettent de I’eau dans leur violon ou qui déchirent des pages de botin pendant quatre heures. Ca relève plus du concours Lépine que de la musique. Quant au terme de prisunic, il ne me gêne pas du tout, au contraire. Ca me passionnerait d’avoir à écrire le fond sonore d’un supermarché. Plus il y a de gens qui reçoivent ma musique, plus je suis heureux.
NL Vous vous attendiez à un tel succès de cette musique ?
JMJ C’est difficile à dire. C’est son côté « musique d’ameublement », ce qui n’est pas péjoratif non plus, pas plus que prisunic. Disons que cet impact musical a fait que la critique française m’a boudé, mais ça n’a pas d’importance.

Propos recueillis par Maurice Achard

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