18/08/2012

Musique pour supermarché – Studio – 1983

Seul au monde.  Ce disque a un destin particulier puisque produit à un seul exemplaire. Son master a été détruit sous contrôle d’huissier et le grand public n’a pu l’entendre qu’une seule fois à la radio sur la station RTL (en qualité AM). Ce disque est le résultat d’une commande d’artistes qui travaillaient sur le thème du supermarché. Jean Michel dit l’avoir composer en réaction à la marchandisation excessive à ses yeux de l’industrie du disque, qui commence à se vendre non plus chez les disquaires, mais au milieu des barils de lessive et les couche-culottes. Le fait de créer un seul exemplaire correspond à l’idée de créer une « oeuvre d’art » plutôt qu’un bien de consommation. C’est aussi pour cela que les mots Musique et supermarché sont tous les deux au singulier.

 Quant à la pochette de l’album, elle a été réalisée à partir de 11 polaroïds qui représente toutes les étapes de la fabrication du disques, jusqu’à la dernière qui représente le marteau du commissaire-priseur qui s’abat pour la dernière fois, et un espace reservé pour que l’acheteur colle sa propre photo. Pour la petite histoire, l’acquéreur de ce disque, un français, monsieur Gérard, a survécu à un grave accident de voiture et est sorti du coma en entendant le morceau « Souvenir de Chine ». Ce qui a incité ce fortuné à acquérir ledit disque !  


"« Je n’aurais pas cru qu’un seul morceau de cire puisse rapporter autant de galettes… » Par cette boutade, je pense résumer l’impression de l’artiste Jean-Michel Jarre et du commissaire-priseur maître Pierre Cornette de Saint-Cyr, à l’issue de la vente aux enchères à l’hôtel Droutot, de l’exemplaire unique de « Musique pour supermarché », une pièce que Jarre se déclarait prêt à céder à 60 F, dont il pensait trouver acquéreur à 25 000 F et qui a été adjugée à 69 000 F. L’heureux propriétaire, M. Gérard, est un administrateur de biens, collectionneur de disques à ses heures perdues et qui connaît Jarre pour l’avoir rencontré non pas dans les milieux du show-business, mais régulièrement en vacances depuis une dizaine d’années. 

À l’heure d’aujourd’hui, l’album aurait été revendu deux fois, mais sans que l’on sache qui possède cette unique exemplaire. Cela donne matière à ce type de plaisanterie entre fans collectionneurs de l’artiste : « J’ai un disque que tu n’as sûrement pas ! » Ci-dessous la photo de la destruction du master devant la salle des ventes.

Deux mois de travail (février et mars 1983) ont été nécessaire pour composer l’album, qui fait essentiellement appel au Fairlight II. Michel Geiss est allé enregistrer des bruits dans un supermarché, des bruits de caddies et de piètinements sur son PCM. Pour l’anecdote, il a eu la surprise d’y entendre passer « Oxygène ».
Pour ne pas que les fans soient frustrés, il a réutilisé certains morceaux ou certains passages de ces morceaux pour composer ses albums suivants, notamment Zoolook, qui était déjà en chantier à cette époque. 


Voici le matériel utilisé pour Musique pour supermarché :


    ARP 2600
         Electro-Harmonix Electric Mistress
         707 Elka
         EMS Vocoder 1000
         Fairlight CMI-II
         Linn LinnDrum
         Oberheim OB-Xa
         Sequential Circuits Prophet 5


     


     Titres de Musique pour supermarché


        Musique pour supermarché partie 1 (3’57)
        Musique pour supermarché partie 2 (2’12)
        Musique pour supermarché partie 3 (3’20) (la mélodie a été réutilisée pour Rendez-vous partie V)
        Musique pour supermarché partie 4 (2’10)
        Musique pour supermarché partie 5 (3’41) (utilisée pour Zoolook, rebaptisé Blah-blah Café)
        Musique pour supermarché partie 6 (5’37)
        Musique pour supermarché partie 7 (3’48) (utilisée pour Zoolook, avec la voix de Laurie Anderson, rebaptisé Diva)
        Musique pour supermarché partie 8 (3’40)


     




    Extrait du Journal du Dimanche du 3 juillet Source:



    On n'en a tiré qu'un seul exemplaire et la matrice sera détruite
    Quoi de plus banal qu'un disque ? Mais quand celui-ci n 'existe qu 'en un seul exemplaire, rareté oblige, l'objet devient aussi précieux qu'une toile de maître. C'est du moins ce qu espère son auteur Jean-Michel Jarre. Cet album unique baptisé « Musique pour supermarché» sera vendu aux enchères le 6 juillet à 20 h 30 à I'hôtel Drouot en même temps que la collection d'art de Jean-Claude Riedel. La pochette, constituée par onze photos polaroïd retrace les différentes étapes de la fabrication du disque. La 12è place, elle, est réservée au futur acheteur qui pourra y aposer sa photo. Ainsi le cycle sera bouclé. Tout a commencé en février dernier, date à laquelle le disque a été enregistré devant huissier. Afin qu'aucun doute ne subsiste, la matrice qui a servi au pressage sera détruite en public après la vente. Une affaire bien montée. Un coup de pub diront certains. Peu probable. Quand on vend 25 millions de disques en trois albums, I'argument s'écroule tel un chateau de cartes. Le but recherché alors ? ( Revaloriser le disque, en faire un exemplaire unique au même titre qu'un tableau ou une sculpture. Et pas un objet commercial multipliable à I'infini comme un paquet de mouchoirs en papier ou un pot de yaourt ". D'où le titre « Musique pour supermarché ». « Un clin d'oeil, dit Jean-Michel Jarre, puisqu'on ne le trouvera jamais dans les rayons des grandes surfaces ). Et il ajoute : « Les supermarchés seront les musées de demain. La preuve, la vogue actuelle pour les objets des années cinquante, manufacturés et sans valeur à I'époque. »

    La musique de chacun

    Quoi qu'il en soit, les fans de lean-Michel Jarre risquent de se sentir lésés. La musique n'appartient-elle pas à tout le monde ? Une chance pourtant. Le soir-même de la vente, I'album sera diffusé intégralement à 22 h 30 sur RTL. « La seule occasion de le pirater, dit son auteur avec humour. « Faut-il y voir on appel ? « Oui et non, réplique-t-il. Aujourd'hui, ce sont les mêmes sociétés qui fabriquent les disques, magnétophones ou magnétoscopes et qui dénoncent la piraterie. Je pense qu'on ne peut pas interdire la copie privée et que d'ici à dix ans le problème aura en partie disparu, avec la diffusion du disque laser . Un produit musicalement parfait et inusable. » Et de conclure sur ces mots : « La musique pour tous peut être aussi la musique de chacun, »
    DANIELLE ATTALI

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