Avec Aero, il revisite son répertoire. Et offre quatre inédits
BRUXELLES Accroché à son téléphone portable, il règle à distance les préparatifs du concert événement qu'il va donner le 10 octobre à Pékin. Pas simple, apparemment, de s'entendre sur l'organisation.
«C'est une situation qui est paradoxale, mais extrêmement privilégiée, encore une fois, dit-il en raccrochant et en s'excusant. J'ai eu la chance d'y jouer à une époque où la Chine s'ouvrait pour la première fois depuis vingt-cinq ans. C'était un pays complètement différent d'aujourd'hui. J'y vais dans le cadre de l'année de la France en Chine. Ce sera le concert d'ouverture qui va se passer devant la cité interdite, avec des écrans sur la place Tienanmen et dans différents endroits de Pékin. Pour la première fois, ce sera un concert en 5.1 en extérieur, qui implique très largement la haute définition. Mais je peux vous dire que pour ce qui est de la bureaucratie, la France et la Chine se valent!»
Mais si Jean-Michel Jarre est de passage à Bruxelles ce jour-là, c'est surtout pour parler d' Aero, son dernier album où se mêlent reprises et inédits. Explications.
En écoutant Aero, on a instantanément des images en tête. C'est l'effet recherché?
«Il y avait effectivement une approche cinématographique dans la manière de concevoir ce projet. Que ce soit un support à l'histoire que vous pouvez vous imaginer vous-même. C'est ça la beauté de la musique: inviter les gens à créer leurs propres images et leurs propres films. Et si je suis vraiment convaincu que le son surround et le 5.1 sont une vraie révolution, ce n'est pas tellement en fonction du cinéma, mais c'est simplement parce que si j'ai fait la musique que j'ai faite à un moment donné, c'est parce que j'avais envie d'être immergé dans le son et de faire partager cette sensation. La musique électronique, paradoxalement, n'est pas froide ou technologique. Elle est organique, sensuelle, presque sexuelle. Chez moi, ça fonctionne quand ça touche le ventre, avant même de toucher la tête. Le 5.1., c'est une révolution aussi importante que quand on est passé du mono à la stéréo. Aujourd'hui, 30 millions de foyers en Europe sont équipés. Ce n'est pas quelque chose d'élitiste. On peut trouver des équipements comme ça pour 300 €. Je pense que c'est vraiment l'après-CD.»
Et vous pensez que les oreilles du public sont prêtes ou qu'il faudra les éduquer?
«Quand on écoute Aero , je pense qu'il y a deux ou trois minutes où l'on est étonné et ensuite, on a l'impression d'avoir écouté ça toute sa vie. La technologie pour la technologie ne m'intéresse pas. Je pense que les émotions se perçoivent, génération après génération, de manière différente et probablement plus subtile, à chaque fois. À cause de notre environnement, de notre évolution. Quand les gens ont vu dans les salles les premiers films muets, ils pleuraient. Aujourd'hui, si un réalisateur sortait un film muet en noir et blanc, il aurait du mal à trouver un distributeur. Ça prouve bien que les choses évoluent et que les gens, pour être émus, ont besoin d'une grammaire et d'un vocabulaire sonores de plus en plus subtil. Je pense que la crise du disque vient aussi de l'éloignement émotionnel que le CD a apporté. C'est un produit, finalement, merdique. C'est un peu le 78 tours du numérique, la VHS du son. Ça a toujours été moins bon que le vinyle. C'est d'ailleurs amusant de constater que depuis le développement du CD, le seul instrument de musique qui a été développé, c'est la platine vinyle!»
Vous avez pris autant de plaisir à réenregistrer vos anciens morceaux qu'à enregistrer les nouveaux?
«Il y a eu, surtout, du soulagement. Depuis que j'ai commencé à faire de la musique, je voulais entendre ma musique comme ça, mais technologiquement, ce n'était pas prêt. Quand ça a été possible, j'ai vraiment tenu à revisiter des morceaux existants de cette manière-là. Je me suis un peu piégé moi-même parce que j'en ai fait un, puis un autre, puis un autre. Alors que j'ai beaucoup de musiques inédites que j'ai composées pendant ces deux ou trois dernières années, que je sortirai... sur un prochain album.»
Jean-Michel Jarre, Aero, (Warner Music)
Propos recueillis par Isabelle Monnart
© La Dernière Heure 2004
Source: dhnet.be
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