04/11/2012

L’interview décalée : Jean Michel Jarre


24/08/2010 | La Gazette de Besançon n° | Par Richard Zampa


Juste avant son concert événement au Zénith de Dijon, la Gazette a rencontré la star internationale Jean-Michel Jarre afin de le soumettre à sa fameuse interview décalée.





LA GAZETTE : On se tutoie ?

JEAN-MICHEL JARRE : Bien sûr qu’on se tutoie…

Tu crois que Brice Hortefeux (ndlr : condamné pour injure raciale) devrait démissionner ?

C’est une connerie. Évidement que Brice Hortefeux n’est pas raciste, c’est quelqu’un qui vit avec son temps. Tout cela est disproportionné.

Il paraît que tu as vendu plus de 80 millions de disques dans le monde… En fait t’es blindé ?

Je voudrais bien. Si j’étais Américain, je le serais sans doute. En fait j’ai beaucoup souffert de maisons de disques et de partenaires successifs, qui eux, pour le coup ont gagné pas mal d’argent. Et puis j’ai eu tendance à réinvestir ce que j’ai pu gagner dans des concerts gratuits et différentes aventures artistiques.

Ça te plaît qu’on dise de toi que tu es un précurseur de la musique électronique ?

Ça m’indiffère en fait… Je le suis chronologiquement, puisque quand j’ai commencé, il n’y avait personne et que ce n’était pas du tout à la mode. D’ailleurs je n’ai jamais été à la mode, c’est à mon avis le secret de la longévité.

C’est vrai que t’es entré au Guinness book pour tes concerts de Houston et de Paris (ndlr : 1,5 million et 2 millions de spectateurs) ?

Oui, c’est vrai mais je ne suis pas sponsorisé par une marque de bière…

Le souvenir est inoubliable j’imagine ?

J’ai mis un an à m’en remettre, la première fois que c’est arrivé…

J’ai lu sur Wikipedia que tu collectionnais les bottes en caoutchouc, c’est quoi ces conneries ?

Je sais pas qui peut écrire de telles conneries. Mais le problème avec Wikipédia, c’est que n’importe qui peut raconter n’importe quoi. Surtout que je n’aime pas les bottes en caoutchouc.

Oxygène, tu trouves pas que ça a un peu vieilli quand même ?

Pas du tout. Je pense que c’est un morceau intemporel pour une raison assez simple. Techniquement,  ce qui date une musique, c’est le son de la rythmique et de la basse, et dans Oxygène, il n’y en a pas…
Elle est où la harpe électronique qui m’a tant fait kiffer quand j’étais môme ?

Elle est sur scène et tu la verras à Dijon… Elle a été revisitée et je peux te dire qu’elle est sacrément efficace.

C’est fini les concerts en plein air ? Tu t’enfermes maintenant ?

Non, mais c’était un vieux rêve d’apporter la magie des concerts extérieurs dans des espaces plus confinés. Je n’aurais pas pu le faire il y a quelques années, tout simplement parce que le réseau de salles n’était pas le même. Mais c’est un projet parmi d’autres projets.

C’est quoi ton geste au quotidien pour la planète ?

C’est de mettre en doute les écolos businessmen, ceux qui mettent le drapeau vert aux fenêtres, quand c’est déjà gagné.

Qu’est-ce qui te rend heureux dans la vie ?

C’est une question difficile pour laquelle il faut en général avoir un joker dans sa poche.

Jean-Michel… T’as peur de la mort ?

Non, mais j’ai perdu mes parents cette année et je n’ai plus du coup le même rapport au temps. Avant, j’avais un rapport au temps en fonction du temps qui passe, maintenant ça commence plutôt à être par rapport au temps qui reste.

À choisir tu pars avec qui en vacances : Charlotte Rampling (ndlr : sa première femme) ou Isabelle Adjani (ndlr : avec laquelle il a été fiancé) ?

Charlotte Rampling, y a pas photo. Entre quelqu’un qui est la mère de mes enfants et quelqu’un qui a été une rencontre dans un parcours… Mais bon, je partirais quand même de préférence avec ma femme (ndlr : Anne Parillaud).

Tu lis quoi en ce moment ?

Les mémoires de Keith Richards qui me fait beaucoup rire, et le dernier Sollers…

On assimile souvent musique électronique et came… T’as tapé dedans, toi un peu ?

J’ai touché au LSD quand j’avais 17-18 ans, et ça a été un truc assez dramatique pour des raisons personnelles, donc j’ai vite arrêté. L’herbe oui mais c’est moins grave que le calva ou le pastis…

Le remix de ton morceau la Cage par l’artiste dijonnais Vitalic, t’en as pensé quoi ?

Le plus grand bien, je suis un très grand fan de Vitalic…

Dis, tu vas te couper les cheveux un jour ?

Pas du tout, j’ai la chance de faire chier tous les mecs qui les perdent à 30 ans alors …

C’est fou, on dirait que le temps n’a pas de prise sur toi… C’est quoi ton secret de beauté ?

Les implants électroniques peut-être…  Mais le bagage génétique est important. Tu sais ma mère est partie à 96 ans et elle était en pleine forme …

C’est clair que Johnny il n’a pas le même bagage que toi à première vue, en même temps tu picoles peut-être un peu moins ?

Voila, je te laissais le dire….

C’est qui ton meilleur pote dans le milieu ?

Je ne sais pas vraiment ce que c’est le milieu…Qu’est-ce que tu entends par là ?

Tu sais bien… Strass et paillettes …

Je suis pas vraiment dedans tu sais. Dès le début j’ai eu une carrière plutôt internationale donc j’ai assez peu de relations avec le showbiz français. Le seul artiste qui me manque et avec lequel j’étais lié, c’était Gainsbourg… J’aime beaucoup Christophe aussi.

J’ai téléchargé tous tes albums sur Internet, tu m’en veux ?

Non, t’es pas responsable. Les responsables, c’est Orange,  AT&T ou Vodafone, c’est eux les vrais bandits, ceux qu’il faut faire casquer…

T’as déjà fait passer ta carrière avant ta vie privée ?

Je pense que c’était une connerie, mais oui, ça m’est arrivé.

C’est quoi la journée type de Jean-Michel Jarre ?

C’est de ne pas vraiment en avoir. Chaque journée est différente et ça, c’est un privilège.

La minute promo maintenant, parle-moi de ta tournée mondiale intitulée simplement 2010…

Comme je te le disais tout à l’heure, faire une tournée en mettant la magie des concerts extérieurs dans des espaces plus contrôlés, c’est vraiment une chose que j’avais envie de faire depuis très longtemps. C’est un partage musical très axé sur le live. Aujourd’hui on s’aperçoit qu’on a une utilisation très lisse, on a peur de tout, des erreurs, tout est préprogrammé, pré-mixé. Là, on sera complètement en direct avec des instruments qui ne sont pas forcement faits pour ça, mais qui font partie de la légende de l’électro. Des tas d’imprévus peuvent arriver, il y a des tas de moments improvisés aussi, donc l’inverse de ce à quoi on pourrait s’attendre dans un spectacle électro. Il y a aussi une scénographie assez ambitieuse, où je vais me préoccuper du micro et du macro. Je suis un grand amateur de concerts et je suis souvent frustré de me retrouver dans une salle et de voir partout des écrans type Star Academy où tu vois le concert comme à la télé. On en oublie presque que c’est un concert.

Dis donc ça a l’air d’être novateur comme concept, en même temps venant de ta part ça ne m’étonne pas …

Je sais pas si ce sera novateur mais ce sera différent et ressenti comme tel, en tout cas  je l’espère…

T’es venu en repérage à Dijon en fait ?

Eh oui, je ne suis pas venu particulièrement pour te voir (rires). Sérieusement, je suis venu pour visiter les salles, c’est un truc qui me taraude toujours depuis que je fais de la musique.

T’as repéré autre chose au passage ?

Je suis quand même aussi venu pour chourer quelques bouteilles…

Tu comptes faire tes adieux un jour ?

À une époque où les artistes font des tournées d’adieux, moi je fais une tournée de débutant, c’est ma première, alors s’il te plaît laisse-moi respirer…

T’en as pas marre de mes questions à la con ?

Non, je dirais même que ça me détend, comme ça en fin de journée…

Source: gazette-besancon.fr

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