Lyon. – « Je me réjouis de ce concert-spectacle. Tous mes voeux vous accompagnent pour demain ».
Ces quelques mots simples du pape à Jean-Michel Jarre ont pu rendre jaloux bien des ministres invités hier à la réception offerte à Jean-Paul lI par les corps constitués à la préfecture de Lyon: le musicien et son épouse Charlotte Rampling font sans doute partie de ceux avec qui le saint-père s’est entretenu le plus longtemps. Hommage confraternel d’un « pape médiatique » à un showman aux vues grandioses. Ce soir, vers 21 b 30, dès que le pape aura béni la ville de sa cage de verre blindée, en haut de la basilique de Fourvière, Lyon explosera de lumières, de feux d’artifice et de musique. Un embrasement au moins égal à celui de Houston (Texas), la dernière fantasmagorie de Jean-Michel Jarre. On le verra de partout dans la ville grâce à dix écrans géants et même dehors jusqu’à 40 kilomètres de distance. Hauteur de la scène : 600 mètres, celle de la colline de Fourvière ; largeur : 2,5 kilomètres. La logistique est égale à celle de Houston et le thème est à la mesure de I’entreprise : vaste. Le spectacle racontera l’histoire de l’humanité et célébrera la communication et la paix entre les hommes. Le tout en images accompagnées par la musique de Jean-Michel Jarre extraite de ses albums, mais avec des , » morceaux de liaison » inédits, et réarrangée pour être interprétée par un orchestre imposant : Jarre au synthétiseur sera accompagné de ses propres musiciens (saxophones, cors et trombones), mais aussi de huit violons et de huit cuivres de l’opéra de Lyon et de I’orchestre de Lyon, ainsi que de deux choeurs réputés: « la Cigale », une centaine d’enfants, et « le Cantrel », une quarantaine de femmes, le tout installé sur un podium au bord de la Saone devant le palais de justice. Les images seront très symboliques: tout d’abord des étoiles, des singes et des animaux préhistoriques, projetés sur les murs des immeubles, raconteront Ies débuts du monde. Puis des photos de foules montreront l’évolution de l’humanité et ses drames : de ces marées humaines sortiront les visages riants de Victor Hugo, Pasteur, mère Teresa, Gandhi, Sadate, Kennedy… Ensuite les drapeaux de nations antagonistes se succéderont puis se fondront dans des jeux de lumière: Iran-Irak, Etats-Unis-URSS… Enfin des images dispersées apparaîtront : barbelés effacés par des mains qui se joignent…
Des sommes , énormes. Un gigantesque livre d’images enchâssées dans une extravagante symphonie de lasers, de lumières et de fusées : 3.500 projecteurs, 12 projecteurs d’images géantes, 22 projecteurs de poursuite. 13  » sky trackers » (projecteurs qui balaient le ciel en tous sens), 6 projecteurs de type DCA, 3 lasers et plus de 40.000 bombes de feux d’artifice disséminés partout par les spécialistes d’Europrod et Pyrogric. Tout sera commandé d’une régie centrale installée sur la passerelle qui fait face au palais de justice grâce à un minutage précis et à plus de 100 talkies-walkies. Personnel nécessaire : 220 techniciens installés depuis quinze jours sur une incroyable arche de Noé, un bateau-restaurant au look » croisière sur le Nil » venu spécialement d’ Avignon et amarré au quai. On y sert 250 repas midi et soir et Jean-Michel Jarre et Charlotte Rampling partagent leur rosbeef purée avec des costauds barbus et des spécialistes du pétard au regard allumé. Le spectacle; disent Jean-Michel Jarre et le procuteur Francis Dreyfus, est offert au pape pour le remercier ». Mais par qui ? Tout a été décidé juillet dernier seulement, raconte Francis Dreyfus. Jean-Michel Jarre n’avait pas donné de show en France depuis celui de la place de la Concorde à Paris, le 14 juillet 1979. En rentrant de Houston, Jarre avail dit dans une interview son espoir d’organiser quelque chose à Lyon, sa ville natale. André Soulier, adjoint au maire, s’en souvient et lui propose la visite du pape. Accord enthousiaste de Jarre et de Dreyfus, mais le budget est de 10 millions et la mairie a déjà dépensé des sommes énormes pour la sécurité et la logistique du voyage papal. Francis Dreyfus contacte les seize entreprises spécialisées qui avaient déjà apporté gratuitement leur concours technique à la fête de Houston, comme par exemple les ordinateurs Land qui prêtent les logiciels et les écrans sur lesquels apparaissent les partitions des musiciens. Reste à décrocher 5 millions de francs. Philips offre un million, la Générale des eaux Iyonnaise, Carrefour, Mammouth, Bouygues, le groupe hôtelier Accor , la FNAC sports Lyon et un groupe de banques Iyonnaises sortent leurs chéquiers. Pourtant le budget n’est pas bouclé et Francis Dreyfus a toujours un trou de plus d’un million de francs. On attendait hier I’obole de certaines grandes fortunes locales. . . Mais d’aucuns n ‘ auraient pas voulu appuyer la mairie qui est à 1′origine du spectacle… dit-on ici. Espérons que le message de Jean-Michel Jarre sur la paix entre les hommes leur ouvrira l’âme et le portefeuille. p, p,