Jean-Michel Jarre, Lyonnais revenu de Houtson, a serieusement fait concurrence à Jean-Paul ll, dimanche soir à Lyon, où il a donné un concert-spectacle qui a rassemblé une foule presque aussi importante que celle qui était allée à la rencontre du pape, samedi dernier, a Eurexpo. Concurrence? Non, connivence, entre I’art et l’Eglise, entre deux formes de spiritualité, avait d’avance répondu le cardinal Albert Decourtray,.il y a un mois, anticipant les réactions de ceux qui pouvalent voir dans le concert donné par Jean-Michel Jarre en I’honneur du pape, une manifestation profane sans rapport avec la signification apostolique du voyage du pape. En tout cas, personne ne pourra reprocher à Jean-Michel Jarre de ne pas avoir rempli son contrat, de ne pas avoir satisfait à la fois une foule venue pour la beauté du spectacle, et une Eglise Iyonnaise qui, a la limite du péché d’orgueil, pouvait se donner l’illusion que toute la ville avait les yeux tournés vers Fourviere, en I’honneur de son souverain. C’est quelques instants après la bénédiction papale à la ville de Lyon par Jean-Paul ll à la basilique de Fourviere et retransmise par haut-parleurs, que les pentes de la sainte colline lyonnaise se sont embrasées en une éblouissante symphonie de fumerolles, rehaussées par des rayons lasers et autres illuminations multicolores. II y avait, c’est sûr, pas mal d’emotion dans I’air à la vue de ces facades transfigurées tandis que retentissait sur la ville une musique chargée de mystère, une musique à la fois pompeuse et irréelle, sonnant les trompettes des anges. Une musique électro-acoustique renforcée par huit cents choristes et les solistes de I’opéra de Lyon, complétée par des images symboliques qui défilaient des hauteurs de la basilique aux quais de la Saone.
Mains serrées
Ce fut la grande fête des symboles, gros comme des maisons, et même comme des immeubles puisque ces derniers servaient faisant office d’écran sur lesquels étaient projetées des images allégoriques développant deux thèmes principaux : l’évolution du monde et la parole sacrée. Images de fossiles, de plantes, d’animaux, précédant l’apparition de l’homo erectus et de sa quintessence représentée ici par Gandhi, Pasteur, mère Teresa, Lech Walesa et, last but not least, Jean-Paul II soi-même. Images de bouches emettant des ondes, de drapeaux du monde entier, de mains serrées représentant l’Eglise universelle et évoquant la Pentecôte. Tout cela ponctué de feux d’artifice royaux sinon pontificaux. «Ca sent le souffre » disait en plaisantant un spectateur suffoquant dans la fumée: des feux de Bengale. «Combien ça coûte ? », demandaient les plus critiques. Quatre millions de francs financés par les sponsors, a déjà répondu Jean-Michel Jarre. Un chiffre, sans doute, inférieur à la réalité. Qu’importe, diront ceux qu’a ébloui cette production somptueuse à la limite de la mégalomanie. Rien n’est trop beau pour le pape, diront ceux qu’auront éblouies ces fastes dignes de Byzance. Une fois de plus, cependant, le contraste aura été frappant entre les paroles du Saint père en faveur de la simplicité et tous les aspects grandioses qui entourent son voyage.
J.-M.B.