Shanghai… Paradls doré des aventuriers et des fascinantes « dames de Shanghai « , ville mystère on Tintin cherchait le Lotus bleu, mals aussi grande cité à la pointe de la recherche et de la technologie chinoises, figure de proue de l’économle qui assure à elle seule le sixième du revenu national… C’est dans son stade couvert que s’éteignaient jeudi soir les dernières vibrations synthétiques de Jean-Michel Jarre : point final d’une tournée qui est allée crescendo sur le plan technique et musical ; mais pas sur celui d’une communication réelle avec un public. MUSICIENS et techniciens s’étaient embarqués dans cette aventure grandiose avec une candeur déconcertante et un manque évident de préparation : il leur a falIu peu à peu remonter la pente, apprendre à mettre au service d’une musique peu scénique un spectacle efficace et sans bavures (ou presque). A Shanghai, on ne revit plus les musiciens chinois qui avaient « dialogué » à Pékin avec les Français. Mais Jean-Michel Jarre présentait un morceau inédit suggérant une « ambiance Zen », dédiée selon les soirs aux Amitiéz franco-chinoises ou aux Nuits de Shanghai. Une version ralentie de Chants magnétiques composait une ouverture majestueuse saluant I’entrée des musiciens : le .seul moment vraiment magique, plongeant d’emblée la salle dans une atmosphère de science-fiction. Le déferlement un peu pompier d’ oxygène et d’ Equinoxe était le prétexte à des jeux de lumière améliorés de jour en jour, à des effets d’écriture au laser, que les Chinois applaudissaient comme un feu d’artifice ; ou même, les deux derniers soirs, A une descente inattendue de Jarre au milieu du public, jouant d’un miniclavier sous le nez des spectateurs des premiers rangs ébahis puis enthousiastes. Surprise ! dans la salle, lorsque les projecteurs se braquaient sur un accordéoniste jouant Sous le ciel de Paris. Approbation et mouvements divers lorsque le groupe entonnait une petite rumba synthétique sautillante. Le public était composé en partie de ceux qui viennent en famille, ayant acheté leurs billets par l’intermédiaire d’une collectivité. Mais aussi de jeunes de Shanghai qui s’étaient battus aux guichets ou avaient obtenu des tickets au marché noir (cinq à dix fois plus cher). C’est ce public-là, survolté, qui a fait le succès des concerts, provoquant deux rappels le mardi soir , se laissant difficilement canaliser par un service d’ordre affolé, ne reculant pas devant des brutalités au demeurant pas pires que celles des concerts de rock en France. La musique de Jarre ne semble guère avoir été appréciée pour elle-même. Le public s’est montré fasciné par la nouveauté des sons et par les lasers utilisés comme pur spectacle, loin des recherches austères poursuivies depuis onze ans à l’lnstituty de technologie-laser de Shanghai. Mais surtout, musique et light-show ont fonctionné comme les signes de la modernité occidentale, ralliant tout un public jeune qui souffre de I’oppression politique et du chômage, du rigorisme moral et intellectuel, et qui, culturellement, se cherche de nouveaux modèles : une jeunesse qui, après la chute de la « bande des Quatre », s’est trouvée relativement « libérée » mais aussi désarmee, et qui s’adonne à la recherche pragmatique d’un bonheur qui passe par , plus de confort matériel ; une jeunesse fragile et émouvante, qu’on sent prête à tomber dans tous les pièges, y compris celui d’une occidentalisation sans discernement. De tout cela, les trois concerts de Jean-Michel Jarre à Shanghai ont joué comme un révélateur .
Marjorie Alessandrini
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