En octobre dernier a eu lieu la tournée des concerts de J.-M. Jarre à Pékin et à Shanghai: Evénement dont la presse générale a alors fait écho. Bien que souvent mentionnée dans ces articles, I’organisation technique du concert qui a nécessité des semaines de folie et de travail acharné de la part de nombreuses personnes, n’a jamais été réellement décrite à ceux qui s’y intéressent. Cet article souhaite rendre hommage à tous ceux qui de près ou de loin, en France, en Angleterre ou en Chine, ont participé à I’élaboration de ces concerts. L’ensemble de I’élaboration de la mise en scène a été confié à Mark Fisher et à son compère Jonathan Park qui ont dans leur press-book les plus prestigieuses références Pink Floyd, Stevie Wonder etc… Préparé un mois à I’avance, I’ensemble fut conçu pour donner un effet visuel analogue à celui d’une base spatiale, d’un champ de derricks, etc… très futuriste. Ceci était obtenu principalement par I’utilisation de tours d’éclairage de section triangulaire de 80 cm de côté d’une hauteur pouvant aller de 4 à 18 m ! Des nappes de lumière verticales, de la fumée, I’utilisation des lasers en volume ou en projection, I’appareillage des synthétiseurs montés sur la scène complétaient ainsi I’ensemble. Ceci dont pour le point de départ, mais très vite apparut un problème qui allait devenir constant au cours de la tournée : le poids. En effet, tout le matériel devant voyager par fret aérien, pour des questions évidentes de coût, tout le monde dû a un moment ou un autre, être confronté à un problème de choix entre tel ou tel matériel choix parfois déchirant mais indispensable. L’autre principal problème fut la coordination entre le matériel de scène, la sono, les éclairages, les lasers, les instruments. Tout ceci devait donc être acheminé en Chine par transporteur, ce qui nécessitait des listes exactes et complètes de matériel avec I’encombrement et le poids au kilo près. Je vous laisse imaginer les horaires de travail de ceux qui ont eu à s’occuper de tout cela. En plus I’absence d’un régisseur ne s’occupant que de ces problème a obligé ceux qui s’occupaient de la sono, des éclairages, du matériel des musiciens à prendre ce travail en compte en plus de leur travail normal qui leur était amplement suffisant pour ne dormir que quelques petites heures par nuit. Je cède la parole maintenant à Pierre Mourey qui était responsable de la technique et des instruments sur scène et a eu, en plus, à s’occuper du fret au dernier moment.
Pierre, peux-tu nous décrire les instruments employés lors des concerts et quels sont les problèmes que tu as rencontrés ?
En plus des problèmes cités plus haut, le principal problème fut le manque de temps pour tout préparer, et tout essayer; par exemple j’ai terminé la mise au point des circuits de la harpe laser durant la nuit précèdent le voyage, c’est te dire si j’étais frais le lendemain matin en montant dans I’avion avec mon circuit sous le bras, ma valise plus les mille petites choses indispensables à emporter, découvertes au dernier moment. Quant au matériel musicien, le plus simple est, je crois d’opérer logiquement, musicien par musicien, en donnant au schéma et en signalant les particularités principales Voir figure (1 ) Signalons la présence du synthétiseur Fairlight entièrement digital, piloté par ordinateur avec écran de visualisation et mémoires sur disquettes, ainsi qu’un orgue Eminent associé à un phasing small stone qui donne les sons très caractéristiques de J.-Michel que I’on entend en particulier dans « Oxygène ». Voir figure (2) Là, le matériel qui se taille la part du lion est bien sur le séquenceur MOB associé au module synthés RSO ce qui permet des séquences polyphoniques réparties comme suit voies 1 et 2 : séquences basses, peu utilisées car en général plutôt confiées à I’ARP 2600 dont le son convient mieux pour les basses, voies 3 et 4 séquences medium, voies 5 à 8 : séquences effets (arpèges/bruit blanc/effet percussion), chaque voie de synthés dispose d’une entrée « gate », d’une entrée « C.V. » (controle voltage) et d’une sortie audio, reliée elle, à la console tapeo. Les boites à rythmes avaient été modifiées pour être pilotées par I’horloge du poly-sequenceur, afin de conserver la synchro et une KR55 en sortie « snare » pilotait le « Clap Trap » pour produire les effets de claquements de main entendus dans un des morceaux de « Chants magnétiques ». De plus, le clavier associé au séquenceur MOB perm et de faire des transpositions de tonalité sur une ou plusieurs des séquences jouées el ceci en temps réel il serl également à enregistrer les séquences, soit en temps réel, soit réordonnées par I’horloge. Toutes les modulations transitaient par une console Tapeo dont les 4 sorties étaient reliées à la sono. Voir figure 13) ; Celui qui avait le moins de matériel, donc le moins de problèmes se servait du Moog Libération dans la rumba que Joue Jean-Michel sur l’Elka, Voir figure (41 La grande originalité ça a été bien sur la batterie Simmons, Disons le tout de suite qu’elle n’a pas pour but d’imiter une vraie batterie, bien qu’elle puisse en avoir des sons très approchants mais de créer des sons très synthétiques. Nous avons eu des modules de cymbales qui étaient les deux seuls prototypes existants avec des sons très intéressants. Bien sûr les réglages n’ont pas été faits en cinq minutes d’autant que les voies réglées identiquement ne sonnent pas exactement pareil; II fallait donc rechercher les plus adaptées au son voulu. Enfin, pour terminer, voici le schéma de la harpe-Iaser qui ma valu bien des heures de travail Voir figure (5).
Peu lorsqu’on a Installé la scène pour le premier concert à Pékin, après avoir tout branché sur la sono, tous les instruments ont marché du premier coup. II faut dire que j’avais passé quelques heures à faire des cordons de raccordement impeccables, groupés sous gaine Rilsan et que sur les raccordements secteur, toutes les phases arrivaient au même endroit sur les prises. Nous avons eu quelques coupures secteur avec les disquettes du Fairlight enclenchées et heureusement elles n’ont pas été effacées, Par contre, tout un programme de I’ordinateur d’écriture laser a été effacé, obligeant Denis de MDB à passer quelques nuits blanches pour les refaire.
Elle était placée sous la responsabilité de Michel Geiss qui travaille depuis longtemps avec J.-Michel sur son matériel de studio. J’ai donc eu I’occasion de I’interroger, assis devant un bon repas. Tout d’abord, combien étiez-vous dans l’équipe ?
Deux en salle, Philippe Laffont que j’ai recruté pour m’aider, car nous utilisions deux consoles en plus de celles quadriphonie, et Patrick Clerc aux retours, tache dont ii s’est remarquablement bien tiré car elle nécessitait un mélange d’autorité, de compétence et de maîtrise de soi.
Quel matériel a été choisi ?
Au niveau des consoles nous disposions en salle de deux Midas 24/8/2 couplées et en retour d’une Midas 20/10 plus quelques consoles Bose et Tapco. Pour les instruments envoyés dans la quadriphonie les entrées étaient prises en y et envoyées sur une console 8 voies Tapco puis sur une 10/4 Prorit dont les généraux nous permettaient de faire tourner le son. Les sources étaient fournies principalement par des boîtes en direct, puisque très peu de micros ant été utilises: 4 par I’orchestre chinois, 1 pour le présentateur et 1 pour man accordéon, j’y reviendrai plus lard. La plupart de ce matériel nous a été fournie par Regiscene. En ce qui concerne la diffusion, le problème était plus ardu. En effet, difficile de faire voyager par avion des châteaux Martin, seul système retenu, à cause de leur poids et encombrement. D’autre part, cela faisait déjà un certain temps que j’avais entendu fonctionner des enceintes Bose 802 et j’avais très envie de les essayer. Ce que nous avons fait après avoir constaté que le rapport poids, puissance, qualité, encombrement était satisfaisant. La solution retenue en définitive a été la suivante. En façade 2×44 enceintes alimentées par 2×11 amplis. . 8 enceintes et 2 amplis à chaque point de quadriphonie. . 9 retours sur 9 circuits différents. 1 pour P. Clerc. Toutes les enceintes de scène étaient donc alimentées par 5 amplis Base 1800 capables de délivrer 2×400 W sous 4 ohms, tous montés en flight-case avec câblage Cannon par Base et ADS qui nous ont fourni le matériel Le total en puissance dépassait les 30 Kw, ce qui , était très confortable malgré le rendement de ce type d’enceinte inférieur à celui d’un château Voir sur les figures 6 et 7 pour le synoptique et la disposition du matériel. Je dois avouer, et les Anglais qui ont travaillé avec nous également, avoir été agréablement surpris par la qualité du son, peut-être un petit peu juste en retour, mais sinon peu agressif et ne nécessitant pas beaucoup de corrections. Une mention particulière en ce qui concerne I’écho fait par un Revox B 77 avec Dolby A dont le mixage était fait depuis les consoles de salle, injecté dans le Revox puis envoyé sur une entrée de les consoles retour et de salle. La vitesse, donc le délai, était commandée par un appareil que j’ai fabriqué, appelé Jarrispeed 81 comportant un sélecteur à 12 positions et 12 potentiomètres de pré-réglage de la vitesse. Ce qui permettait de passer d’un temps d’écho à un autre par rotation du commutateur entre deux morceaux. Enfin un autre Revox nous servait à diffuser des bandes de bruitage principalement dans la quadriphonie.
Eh bien oui, moi aussi j’y suis allé de mon petit air. Les Anglais m’avaient fabriqué un petit podium devant les consoles, sur lequel je suis monté pour jouer de mon accordéon Piermarion pendant que Philippe restait aux consoles. J’avais demandé pendant ce temps que les lasers dessinent une projection de la Tour Eiffel qui a eu beaucoup de succès auprès des Chinois !
La lumière
En ce qui concerne le jeu d’orgue, je disposais d’une console Alderhom de 48 circuits avec 24 circuits de 2 Kw et 24 de 4 Kw, tous pleins à craquer, et un boîtier direct de 10 circuits pour les appareillages ne pouvant être mis sur gradateurs, La puissance totale des sources était de I’ordre de 20 Kw ce qui finalement, n’est pas énorme pour des concerts de cette envergure mais suffisait amplement Les sources étaient repari ties comme suit , 56 projecteurs PAR medium et NSP couplés par barres de 4 .5 projecteurs PAR 220 V sur des circuits isolés disposés au sol, .6 Minibruts 65 .40 Minifoots, c’est-à-dire des « Bains de pieds » 1300 equipés de 2 lampes Minibrut . 5 projecteurs equipés en lampes à vapeur de mercure en vertical, Au sommet des tours . 4 Aircraft (projecteur d’atterrissage d’avion) 28 V en série sur une barre . 9 BT 250 V en série, . Les Gyrophares . De la guirlande lumineuse . 45 CR1 (petit projecteur BT utilisé souvent en discothèque), couplés par barre de 9, . 20 tubes fluorescents blanc lumière du jour dont 9 en parasol au-dessus de J,-M J, et 11 derrière la batterie, 1 strobo 500 W dans un parasole de barbecue solaire achetée au BHV, la lampe prenant la place du poulet au foyer (sic !) . 2 poursuites électroniques H M I 1200 w caméléon, entièrement automatiques télécommandables . Un certain nombre de sources, en particulier les Minifoots étaient destinées à éclairer les premiers rangs du public pour permettre a I’équipe du film de tourner des plans du public. Je n’ai pas pu savoir si elles éblouissaient les Chinois à cause de leurs yeux bridés » II était prévu au départ de créer des ambiances Iumineuses évoluant très lentement au fur et à mesure de la musique. Toutefois, la musique se faisant de plus en plus rythmée au fil des concerts, la production me demandait de créer une lumière plus rythmée m’obligeant ainsi à me servir du chenillard don! la console Alderhom est équipe Je le regrette, car la structure lumière élaborée à I’origine était alors plus adaptée à ce genre de travail et, à la limite, il aurait mieux valu partir avec 2 ponts, 2 Genietowers et 400 Kw d’éclairage. Je crois que Mark Fisher a été déçu lui aussi, de voir un ensemble aussi minutieusement! préparé, déboucher sur un spectacle qui finalement ne se démarquait pas beaucoup des concerts de rock classiques, A part cela, nous avons beaucoup souffert de la mauvaise qualité du courant disponibles avec les interactions très importantes entre les différents circuits ce qui aboutissait au fait parfois que lorsque j’envoyais un circuit, j’en avais 2 ou 3 autres qui flashaient et 1 autre encore qui diminuait, alors que celui désire ne montait qu’à 80 % de sa valeur. Un travail agréable comme tu peux le constater. A tel point que les autorités chinoises ont coupé le courant dans un quartier de Pékin et une usine pour améliorer la situation. Cela ne nous a pas empêché de claquer joyeusement un certain nombre de lampes et en particulier de CR1.
En général, surtout au début. Peu de couleurs franches, surtout des correcteurs de température avec une dominante bleue et quelques complémentaires oranges Egalement des couleurs paradoxales tels que vert chaud ou rouge froid qui permettaient très blen les mélanges. Je rappelle que I’ensemble des concerts étant filmés par les Anglais il fallait en tenir sérieusement compte dans le choix. Toute I’installation nous a demandé énormément de travail et nous a laissés hélas,très peu de temps pour faire du tourisme.
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