Les exégètes avertis étaient  prêts à ricaner : le nouveau disque de Jean-Michel Jarre, « Zoolook »,  ne pouvait être qu’une répetition. Un bis d’ «Oxygène » et d’ « Equinoxe  », deux 33-tours qui avaient fait, pourtant, le bonheur , des  teen-agers. Jarre était classé, catalogué : informaticien de la musique,  technicien hyperdoué. Il multipliait, bien sûr, les tubes. II en  vendait sous toutes les latitudes: vingt millions de disques, chiffre  record pour un Français. N’empêche, réticences. Nombreuses et  persistantes. Comment Supporter cette étiquette « musicien de  supermarché » ? Raidissement, fureur rentrée : «( C’est exactement ce  que je souhaite. ) Silence, iI ne parle plus, ne s’explique pas  davantage. S’enferme avec sa femme, l’actrice Charlotte Rampling, dans  une superbe maison de campagne. Jarre boudeur. Cette fois, iI s’est agi  de faire taire les « autres », tous ces « autres » si français et si  rétifs au succès commercial. Alors, Jarre s’est remis en cause. Son  nouvel album ne fait plus la part belle aux synthétiseurs-ordinateurs. .  «( J’en avais assez de travailler sur ces sons devenus classiques.  Apres « La guerre des étoiles », « Goldorak » et la pub, cette musique  était devenue galvaudée, indigeste. » II a donc choisi de travailler sur  des « matériaux humains ». Des voix. Piquées au magnétophone, avec la  complicité d’un ethnologue, Xavier Bellenger . Jarre s’est installé dans  la défroque et la fonction d’un paparazzi à l’aguet des images sonores  apparemment les moins audibles et intelligibles à l’oreille de  l’Occidental moyen : pygmée, tibétain, sioux, malais ou esquimau. «(  Ensuite, explique-t-il, j’ai procédé à la sélection, et j’ai tout fait  ingurgiter par un ordinateur. J’ai transformé puis mixé comme s’il  s’agissait d’un instrument normal. ) Jarre n’a pas su, ou n’a pas pu,  résister à cette passion tenace d’une musique conceptualisée et  hypertravailIée. La tentative est ambitieuse. Jarre accepte le risque de  désarçonner ses fans. Peu lui importe. Le jeune homme – 36 ans déjà –  croit en son étoile, en ses réussites. Quand « Zoolook » sera inscrit  aux différents hit-parades, rien ni personne ne pourra l’empêcher de  repartir en batailIe. Contre qui ? « La chapelle, la sainte trilogie  Xenakis-Boulez-Ircam. » Le paparazzi se veut également justicier. .
MAURICE SZAFRAN
 
 
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